Eugène de Mazenod
prêcheur en provençal

Eugéne de Mazenod tenait fortement à ce que les mission soient prêchées en provençal, seule langue bien comprise du peuple.

Extrait de: Ecrits Oblats 18. Journal de Mgr Eugène de Mazenod 1837.

 Le 26 février 1837.
" Lettre du p. Honorat de la mission de Maussane. Elle commence sous d'aussi bons auspices que celle de Fontvieille. Les exercices sont tellement suivis que l'église se trouve trop petite quoiqu'il y fasse entrer au moins 200 personnes de plus qu'il n'en pouvait entrer auparavant. Le p. Honorat me dit que le curé a été enchanté que nos pères fissent les instructions en provençal, cependant avec son agrèment et pour condescendre au désir de cinq ou six bourgeois qui réclament des discours en français, il s'est laissé aller à prêcher le soir alternativement dans les deux langues. Je blâme on ne peut plus cette faiblesse; jamais je n'ai consenti, quand je donnais des missions, à satisfaire cette sotte vanité de quelques bourgeois qui se trouvent dans tous les villages qu'on évangélise. C'est vouloir sacrifier l'instruction que retirerait le peuple des sermons dans l'idiome qu'il parle. Il est reconnu qu'il ne peut suivre les raisonnements qu'on lui fait en français.

 Ce pauvre peuple n'entend que des mots qui ne se rattachent à aucune de ses idées quand on prêche en français. C'est une chose indubitable, l'expérience en est faite, et c'est aller directement contre la fin de notre institut que d'imiter l'exemple d'un trop grand nombre de prêtres qui se font illusion là-dessus. Ainsi le p. Honorat a eu tort, et tous ceux qui ont fait comme lui ont eu tort aussi, de prendre sur eux de changer nos usages. La méthode que nous avons adoptée dès le commencement , après un mûr examen, et que l'expérience de tant d'années a confirmée davantage, doit être conservée parmi nous; je m'oppose à tout changement à cet égard et je l'écris ici pour qu'on le sache. Pas plus tard qu'à la dernière mission faite tout récemment à Entraigues, le p. Honorat ne s'est-il pas entendu dire par les habitants les plus huppés du pays, par ceux qui lui ont donné jusqu'à cent francs d'aumône pour la croix, qu'ils n'entendaient rien aux discours français et qu'ils attendaient avec impatience le moment des avis que l'on donnait en provençal, parce qu'ils les comprennaient bien. Comment a-t-on si tôt oublié des faits qui ne font au reste que confirmer cent mille autres assertions, tout aussi décisives que celle-là ? Je le répète, dans tout le cours de mes missions, je n'ai jamais consenti à cette niaise prétention des bourgeois quoique partout ils m'aient fait cette demande. Dans deux villes seulement, à Brignoles et à Lorgues (*), je consentis à faire une instruction de plus par jour à cause du grand nombre de bourgeois qui se trouvaient dans ces lieux. Cette instruction en français roulait uniquement sur le dogme, et je la faisais à l'heure où le peuple est à son travail, sans préjudice des instructions du matin et du soir, des avis et de tout ce qui se prononce en mission qui ont toujours lieu en provençal. Pourrait-on citer une seule de nos missions qui n'ait pas eu un succés complet ? Supposé que celle que l'on ferait en suivant une autre méthode fussent également bénies de Dieu, il n'en serait pas moins vrai qu'il en résulterait un défaut d'instruction dont le peuple se ressentirait toujours. Ce qui pourrait compromettre même la persévérance d'un grand nombre de ceux que la grâce a convertis. "

* Missions de Brignoles (Var) prêchée du 14 janvier au 25 février 1821 par les pères de Mazenod, Deblieu, Maunier, Mie et Touche; mission de Lorgues (Var) , prêchée du 17 au 31 mars 1822. On ne sait pas avec qui le fondateur a donné cette mission. Il était allé à Lorgues en 1803 faire une visite à son oncle Deslaurens, cousin de son père. Cf. Eugène à son père, le 6 mars 1803.

 

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