Extraits résumés de "Lorgues Cité
franche de Provence" de Louis Nardin :
Dés
sa naissance l'abbaye retint l'attention des autorités souveraines.
Par testament du 11 septembre 1209 Alphonse II, comte de Provence, légua
au monastère les droits qu'il possédait sur Lorgues.
La cité protesta déclarant ne relever que de l'autorité
comtale , à qui elle fit appel.
Par une transaction passée le 6 avril 1304 , le comte-roi reconnaissait
que la ville de Lorgues et son territoire appartiendrait toujours à
son domaine, mais il abandonnait à l'abbaye une grande partie de
ses droits.
Lorgues pendant trois siécles chercha sans cesse à se dégager
de cette emprise.
D'autant plus que les abbés, profitant de leur puissance et de la
faiblesse des comtes de Provence, interprétaient constamment les
clauses de manière abusive pour accroitre leur pouvoir.
La lutte fut particulièremen vive et longue , Lorgues fit tous ses
efforts pour échapper aux empiétements de l'abbaye sur ses
libertés et chercha inlassablement à récupérer
ce dont la convention de 1304 l'avait dépouillé.
De nombreux et interminables procés se déroulèrent
entre les deux parties, toutes deux acharnées à défendre
leurs intérêts et toutes deux extrêmement procédurières.
Les incidents étaient d'autant plus fréquents et faciles à
provoquer que l'abbaye possédait dans Lorgues une quantité
de biens immobiliers et de droits souvent mal définis.
Les motifs de litiges ne manquaient pas , la pluspart des procés
duraient des années et se terminaient par un compromis, une transaction.
La ville proposa
à diverses reprises de racheter tous les droits de l'abbaye en versant
un capital correspondant aux revenus que l'abbaye en retirait.
Les pourparler durèrent des années et le 8 novembre 1628 une
sentence rendue par des arbitres choisis par les deux adversaires finit
par être acceptée.
Les arbitres étaient: Messire Barthélemy Camelin, évêque
de Fréjus, le marquis de Trans et des Arcs, Henri de Latour seigneur
de Tourtour, Pierre de Perrache seigneur d'Ampus et Jacques Peissonel avocat
à la Cour.
L'abbaye abandonnait tous ses droits et redevances qu'elle avait à
Lorgues ainsi que la plupart de ses biens fonciers. La ville donnait en
échange à l'abbaye 6000 livres et jusqu'à que cette
somme soit payée une rente annuelle de 180 livres.
Cette transaction favorable à la cité était due à
l'abbé Honoré de Chieusse qui était originaire de Lorgues
et y avait encore sa famille.
Aprés la mort de cet abbé, son succésseur Jean de
Grasse, conseiller d'État, abbé du Thoronet et de Nogent,
Seigneur de la Val de Cabris, refusa de reconnaître la validité
de l'accord sous prétexte qu'il n'avait pas été ratifié
par le Supérieur Général de Citeaux.
Des pourparlers s'engagèrent donc en 1665 et aboutirent à
une nouvelle transaction en 1667.
L'abbaye cédait tous ses droits et biens sur Lorgues, la ville devait
verser 18 000 livres dont 6000 pour les droits et 12 000 pour les biens
fonciers, assorties d'une rente annuelle de 900 livres jusqu'au paiement
total. Les deux parties renonçaient à tous les procès
en cours.
Mais l'affaire
ne fut pas réglée, car devant des conditions si onéreuses
pour la communauté, le Conseil général de la ville,
composé de la municipalité et des chefs de famille refusa
à son tour de ratifier l'acte.
Le successeur de l'abbé de Grasse, le seigneur Adhèmar de
Monteuil de Grignan présenta , le 5 décembre 1693, une requête
au parlement d'Aix pour obliger Lorgues à exécuter la transaction
de 1667. la cité refusant, l'abbé demanda alors l'annulation
de toutes les transactions passées et son rétablissement dans
tous ses droits et biens de 1304.
Le procés dura quelques années et donna lieu le 12 septembre
1698 à un accord final et à peu prés définitif:
la transaction de 1667 devait être entièrement éxécutée;
la ville devait payer certes des sommes importantes mais elle obtenait ainsi
le rachat de tous les droits dont elle voulait s'affranchir depuis trois
siècles et demi.
A partir de cette date les conflits entre Lorgues et le Thoronet disparurent.
Les rapports entre les deux partenaires devinrent même assez étroits.
La règle de l'abbaye devenait de moins en moins sévère
et s'accomodait au 18 eme siècle de richesses et mondanités
assez éloignées de la doctrine de Citeaux.
En 1771 l'abbaye demanda à réunir ses religieux au chapitre
de Lorgues, mais ce projet ne reçut l'approbation ni de l'évêque
de Fréjus ni de l'archévêque de Bourges.
La tourmente révolutionnaire emporta l'ancienne toute puissance abbaye. |