2 - Les Tombereaux d'Argens sont une des cascades de la rivière,
fort accidentée, d'Argens, sur le territoire de Lorgues. Cette belle
rivière s'abîme, là, dans un vaste souterrain creusé
dans le roc, et reparaît à un quart de lieue environ, en aval.
Sur la rive gauche, fesant marteau avec la cascade, et y attenante pour
ainsi dire, existe une roche énorme, dans laquelle, assez proprement
évidée, est une salle à plafond élevé
et grossièrement cintré; le tout dans le cur du roc, avec
une petite baie de fenêtre ouverte au sud, servant d'entrée
aujourd'hui; et de l'autre sens, vers le couchant, face à l'abîme,
une baie de porte, sans aucun vestige de moyen d'accès au dehors.
On appelle, traditionnellement, cette roche si singulièrement creusée,
Chapelle-de-Saint-Michel-sousterre.
Etait-ce une chapelle? Cela fut-il un lieu de refuge? Aucun titre écrit,
aucune inscription sur ce monument ne satisfont à ces questions.
Il y a dans la salle, il est vrai, fesant face à la porte, une sorte
de saillie presque carrée, pratiquée sur les parois du roc,
que les savants du terroir assurent être un vestige d'autel. - Ce
qui donne une certaine consistance à cette supposition ( que je crois,
néanmoins, hasardée ), c'est que ce nom de Chapelle-Saint-Michel-sous-terre,
est acquis à ce lieu depuis un temps immémorial. - Mais, en
vérité, on ignore complètement la destination primitive
de ce singulier local. On ne peut donc que former des conjectures à
ce sujet.
Raisonnablement aussi, on ne peut supposer que ce fut là un lieu
de refuge; car, à moins qu'à l'époque de sa création,
la roche dans laquelle il est évidé, fut cachée dans
une forêt impénétrable, alors existante; bien qu'il
soit aujourd'hui assez dissimulé par des broussailles, des arbustes,
thyms, lentisques, romarins et autres plantes sauvages; à le voir
tel qu'il est, il n'est point assez caché pour faire supposer qu'il
a été creusé pour cette destination.
L'ensemble de cette localité se groupant avec la belle chute d'eau
de la rivière, est d'une riche poésie, mais sauvage. C'est,
en un mot, du bel horrible.
Les vieux bastidans des environs, racontent des histoires effrayantes sur
cette Chapelle et sur le gouffre des Tombereaux. Satan et ses acolytes,
comme de raison, ont toujours le rôle principal dans ces contes de
veillées. |